L'APRÈS-RÉGIONALES - Quand les députés de l'UMP vident leur sac

Les députés UMP n'auraient manqué pour rien au monde la réunion extraordinaire organisée par Jean-François Copé. C'est en fait à une thérapie de groupe que les a conviés leur patron, mardi matin, à l'Assemblée nationale. L'objectif : "Tirer sans langue de bois les leçons de la sévère défaite aux élections régionales parce que les Français ont adressé des messages", selon le député-maire de Meaux. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les élus s'en sont donné à coeur joie.

Pendant deux heures, ils fustigent la stratégie d'entre-deux tours - le discours sécuritaire et le débat sur une loi antiburqa ont déplu -, remettent sur le tapis le fiasco du débat sur l'identité nationale, regrettent l'alliance avec la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel, jugée inutile électoralement, vilipendent l'ouverture à gauche.... Ainsi, Jacques Remillier, député de l'Isère, déplore la nomination du socialiste Didier Migaud à la tête de la Cour des comptes. Selon lui, elle aurait déstabilisé l'électorat de droite et fait perdre des voix aux listes de la majorité, rapporte le député de Haute-Savoie, Lionel Tardy, sur son compte Twitter, pendant la réunion. Les élus déchaînés vont jusqu'à réclamer des sanctions "pour les parlementaires qui n'ont pas fait campagne", raconte le député de la Mayenne, Yannick Favennec, toujours sur Twitter. "Je suis pour !", ajoute-t-il, considérant que cela relève de la responsabilité du secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand.

"Fillon président !"

Jean-François Copé profite, lui, de la réunion pour sortir un nouveau concept de son chapeau. Après sa désormais fameuse "coproduction législative", le meilleur ennemi de Nicolas Sarkozy dégaine son "pacte majoritaire". Celui-ci comporterait trois piliers : "Tout d'abord, les réformes vitales pour les Français, comme celle des retraites et la mise en oeuvre de la réduction des déficits ; ensuite, favoriser l'emploi, la justice sociale et la compétitivité ; enfin, s'atteler à la défense des valeurs républicaines : sécurité, laïcité, avec le problème du voile intégral, ou encore ruralité."

Ce pacte doit être scellé entre les parlementaires, le Premier ministre et le chef de l'État, que Copé a d'ailleurs rencontré à deux reprises lundi. Sénateurs et députés de la majorité devaient évoquer ce pacte avec François Fillon lundi après-midi, puis s'entretenir avec Nicolas Sarkozy dans les jours prochains.

François Fillon, justement. Présent lors de la seconde partie de la réunion ("lucide et constructive", dixit Copé), le Premier ministre est acclamé par les députés lors d'une standing ovation. Les députés de la majorité saluent l'homme qui s'est beaucoup dépensé pendant la campagne en multipliant les déplacements, celui aussi qui a su reconnaître sa "responsabilité" dans la débâcle. Quelques "Fillon président !" fusent même dans la salle. Face aux siens, le chef de gouvernement répète son message - "c'est une défaite" - et ajoute que l'UMP "a commis des erreurs" en ne parvenant pas à convaincre les abstentionnistes.

Le remaniement pas évoqué

D'emblée, le Premier ministre donne satisfaction à sa majorité, montrant qu'il a entendu leur colère. La taxe carbone - programmée pour le 1er juillet - ne sera pas mise en oeuvre , leur annonce-t-il. "À moins qu'un accord européen ne soit trouvé d'ici là", précisera, plus tard, Jean-François Copé. La veille, d'après Le Figaro, le président de la République aurait lancé au chef de file des députés : "La taxe carbone, tu oublies. Et, demain, je te demande de bien encadrer la libre parole des députés." Une "libre parole" si bien encadrée que les élus UMP fuiront les journalistes après le discours de Fillon...

Lors de sa prise de parole, le Premier ministre a redéfini les priorités du gouvernement ("croissance, emploi, compétitivité, réduire les déficits"), ce qui lui a valu une nouvelle standing ovation. En sortant, Georges Tron, un ex-villepiniste qui fait son entrée dans le gouvernement, affirme que l'ambiance n'était pas explosive, malgré quelques tensions.

Le remaniement ? Les députés UMP disent ne pas l'avoir évoqué, même s'il fait sourire dans les couloirs de l'Assemblée. L'élu du Loir-et-Cher Maurice Leroy (Nouveau Centre) s'amuse : "L'idée est simple : au lieu d'écouter les Français, le chef de l'État a choisi d'écouter l'UMP. Les députés vont se remettre en ordre de marche avant le vrai remaniement, fin 2010, dans la perspective de la présidentielle."

http://www.lepoint.fr/actualites-politique/2010-03-23/l-apres-regionales-les-deputes-de-l-ump-vident-leur-sac/917/0/436693