RÉGIONALES - Front national : le retour du pouvoir de nuisance

Jean-Marie Le Pen peut se vanter de réussir son dernier tour de piste. À 81 ans, le leader du Front national a créé la surprise en Provence-Alpes-Côte d'Azur en recueillant 20,29 % des suffrages . En imposant une triangulaire pour le second tour, le patron de l'extrême-droite douche ainsi les espoirs de reconquête du candidat UMP, Thierry Mariani. Mais ce n'est pas tout.

Sur le plan national, son parti enregistre un score de 11,55 %, et se voit estampillé de l'étiquette de quatrième force politique, à un point seulement d'Europe Ecologie (12,32 %). Même si ces résultats sont en dessous des 14,7 % obtenus au premier tour des régionales en 2004, ils prouvent que le parti frontiste est loin d'être réduit en poussière, comme l'avait annoncé Nicolas Sarkozy en 2007. Le FN "était annoncé comme vaincu, mort, enterré par le président de la République. Il a démontré qu'il était une force nationale, et probablement de plus en plus grande", s'est empressé de clamer Jean-Marie Le Pen dimanche soir sur TF1 à l'annonce des résultats.

Trouble-fête

Dimanche 21 mars, le parti d'extrême-droite viendra jouer les trouble-fête dans 12 régions en métropole sur 22, en imposant des triangulaires qui s'annoncent fatales pour la majorité présidentielle. Outre la région Paca, le FN a dépassé la barre des 10 % des suffrages en Picardie, Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Haute-Normandie, Bourgogne ou encore Centre.

Dans le Pas-de-Calais, la candidate Marine Le Pen a, elle aussi, fait exploser les compteurs, en récoltant 18,31 % des suffrages. Dans son fief de Hénin-Beaumont, où elle est conseillère municipale, sa liste arrive même en pôle position avec 40 % des voix. De quoi conforter sa position dans la course à la succession à la tête du parti. En attendant que son heure arrive, Marine Le Pen insiste sur l'important pouvoir de nuisance de son parti au second tour : "Il y aura" des triangulaires "partout où le FN est présenté. Nous ne nous vendrons à personne, nous sommes là pour nous opposer au pacte UMP-PS", a-elle insisté lundi au micro de France-Info.

L'arrosé arroseur

Pour se refaire une place de choix sur l'échiquier politique français, le Front national a été porté par des vents favorables. Tout au long des derniers mois, le débat sur l'identité nationale, lancé par le ministre de l'Immigration Eric Besson, ou la polémique sur le port du voile intégral ont donné aux têtes de listes frontistes des tribunes inespérées. Une analyse qu'on partage au Parti socialiste. Lorsque le chef de l'État "a porté ce débat visant à opposer les Français d'ici aux Français venus d'ailleurs ou aux étrangers, eh bien il a réouvert une porte" à l'extrême droite, a constaté la première secrétaire, Martine Aubry.

Éric Besson s'est défendu lundi, dans un long communiqué, d'être responsable de la défaite de son camp. "Prétendre qu'un débat sur nos valeurs, sur notre projet collectif, sur ce qui fonde notre communauté nationale sert le Front national est grotesque", insiste le ministre. En revanche, Éric Besson ne s'est pas risqué à traiter le FN d'"épouvantail qui n'existe pas" , comme en février. Quoi qu'il en soit, Jean-Marie Le Pen sait bien qu'il doit pour partie à Éric Besson ses performances au premier tour des régionales. Le FN "a bénéficié" du débat sur l'identité nationale lancé par le gouvernement "puisque c'est le parti national", reconnaît le plus naturellement du monde le leader frontiste.

Horizon 2012

Ce retour au premier plan, le FN le doit aussi à Nicolas Sarkozy. Le Président avait indiqué à l'ensemble des responsables de l'UMP la stratégie à adopter pour la campagne des régionales : l'identité nationale ainsi que la sécurité et les impôts devaient être sur le devant de la scène, à l'approche de l'échéance électorale. Un retour aux fondamentaux, pour reconquérir un peuple de droite fâché par l'ouverture. Une stratégie pour damer le pion au FN. "Nous n'aurions jamais dû abandonner au Front national un certain nombre de valeurs qui font partie du patrimoine républicain", confiait Eric Besson pour justifier le positionnement de son parti. "Je pense que la mort du FN serait la meilleure nouvelle pour tous."

Mais la stratégie de la majorité présidentielle n'a pas éteint le FN, loin de là. Le parti de Jean-Marie Le Pen se voit même de nouveau en haut de l'affiche à la présidentielle de 2012. En confirmant ces bons scores du premier tour, dimanche prochain, le FN pourrait reformer son vivier de conseillers régionaux, qui constitueraient une partie des 500 signatures nécessaires afin de se lancer dans la course à l'Élysée. Pour nuire encore à la majorité ?

http://www.lepoint.fr/elections-regionales-2010/2010-03-15/regionales-premier-tour-fn-le-retour-du-pouvoir-de-nuisance/2136/0/433842