Cannes 2010 : trois films français en compétition

La sélection de la 63e édition du Festival de Cannes (12-23 mai) a été dévoilée jeudi. Décryptage.

Commenter une sélection, sans avoir vu les films, est toujours un exercice périlleux. C'est comme pour une sélection de football. On connaît les joueurs, mais vont-ils produire leur meilleur jeu, vont-ils être au top de leur forme ? On sait, avec la liste (provisoire) rendue jeudi que de très bons éléments sont présents. Que la coupe du monde du cinéma sera sans doute relevée. Mais c'est à la fin de la compétition (et de la foire) que l'on jugera si le repas servi était à la hauteur. En tout cas, on a déjà faim. Et voilà ce qu'on peut déjà dire.


C'est la crise ?
Thierry Fremaux, le délégué général du Festival, a parlé de la crise qui, avec un retard compréhensible de 18 mois, touchait enfin le cinéma. Une crise qui explique peut-être une baisse du nombre des films, un peu moins d'entrain aussi pour présenter une sélection peau de chagrin - 16 films seulement à ce jour. Un fait renforce sans doute cette impression mitigée : un film excitait vraiment les cinéphiles, Tree of Life , de Terrence Malick, avec Brad Pitt. Mais le dernier opus du génie américain, distribué par Europa de Luc Besson, ne sera pas prêt pour le 12 mai prochain. Tout va bien par contre pour le site du Festival, désormais accessible en 8 langues (dont le chinois et l'arabe) soit deux de plus que l'ONU.

Comme d'habitude
Parmi les seize élus, on retrouve, comme chaque année, un certain nombre d'habitués. Deux anciennes palmes d'Or, l'Anglais Mike Leigh et l'Iranien Abbas Kiarostami, qui est allé tourner près de San Gimignano un drame sentimental avec Juliette Binoche. Bizarrement, l'Iranien, qui a fait le plus parler de lui lors de cette conférence, est le cinéaste Jafar Panahi, récemment arrêté, puis libéré et mis sous surveillance, à qui le Festival, symboliquement, a demandé de faire partie du jury. Il sera avec Tim Burton, le président, et Emmanuel Carrère, une des personnalités fortes du jury. Parmi les "classiques" cannois, le Mexicain Inarritu, venu avec Javier Bardem tourner à Barcelone, Rachid Bouchareb, qui reprend trois des acteurs d' Indigènes , (Sami Bouajila, Roschdy Zem, Jamel Debbouze) pour un film qui n'est pas la suite d' Indigènes , Kitano ( lire notre portrait ), qui revient au film de yakusas, Mikhalkov, qui présente le second volet de Soleil trompeur présenté en 1999, ou le Coréen Lee Chang-Dong, ancien ministre de la Culture.

Et les Français ?
Parmi les Français, on trouve trois représentants bien différents. L'ancien, Bertrand Tavernier ( La Princesse de Montpensier ), qui, n'en déplaise au président Sarkozy, a adapté une oeuvre méconnue de Mme de Lafayette, l'auteur de la Princesse de Clèves . Xavier Beauvois, une des valeurs très sûres de la nouvelle génération, s'est penché sur l'affaire des moines assassinés de Tibéhirine (7 moines tués en Algérie en 1996), qui a rebondi récemment avec les révélations d'un général français à la retraite accusant l'armée algérienne . Enfin, Mathieu Amalric, souvent venu en tant qu'acteur, est invité pour son quatrième film, un projet atypique qu'il porte depuis longtemps sur une troupe de strip-teaseuses, de travestis et de chanteuses. A noter qu'un certain nombre de réalisateurs dont les films étaient terminés, Bertrand Blier, Nicole Garcia, François Ozon, sont absents. Qualité jugée insuffisante ou volonté d'éviter Cannes, où le cinéma français reçoit plus de coups que de compliments ?

Et Godard ?
Il sera bien là, avec son film Socialismes . "Dans quel cadre souhaiteriez-vous voir le film présenté", lui a demandé Thierry Frémaux. "Où vous voulez, quand vous voulez", lui a répondu très poliment JLG. Il sera finalement dans la section Un certain regard . Comment mieux définir le cinéaste vaudois ?

Le seul film américain
À noter que pour l'heure, l'absence de Terrence Malick dépeuple encore davantage le cinéma américain, représenté par un seul cinéaste, Doug Liman (à qui l'on doit le premier Jason Bourne), qui vient avec sans doute le sujet le plus passionnant sur le papier : les mésaventures de Valerie Plame, officier de la CIA grillée par des journalistes du New York Times et du Time Magazine , eux-mêmes informés par l'administration Bush, après que son mari, auteur d'un rapport sur l'uranium enrichi soi-disant acheté par l'Irak au Niger, eut démenti publiquement les conclusions de George Bush. Nous revoilà donc, après l'actuel Greenzone (sortie depuis mercredi 14 avril. Lire notre critique ), au coeur de la manipulation médiatico-politique autour des armes de destruction massive irakiennes.

Les grands esquivent la compétition
On constate que les grands noms du cinéma américain se trouvent hors compétition : Woody Allen, avec un film financé par les Espagnols et tourné à Londres, Oliver Stone avec la suite de Wall Street et Michael Douglas qui rempile, 23 ans et un krach plus tard. Cette présence hors compétition de poids lourds qui refusent d'en découdre est confirmée avec les deux grands noms du cinéma anglais, Stephen Frears ( Tamara Drewe , une comédie littéraire) et Ridley Scott ( Robin des Bois , avec Russell Crowe, en ouverture et qui sera dans les salles le 12 mai ).

Les deux surprises
Il fallait bien ouvrir les portes. Deux pays nouveaux déboulent dans la compétition. Le Tchad, avec Mahamat-Saleh Haroun ( Un homme qui crie ) et l'Ukraine, avec Sergei Losnitza ( You, my joy ).

Des documentaires qui donnent envie
Un doc sur la crise avec des interventions de Mme Lagarde et du directeur du FMI, DSK, une étude sur le grand artiste plasticien allemand installé en France, Anselm Kiefer, un reportage sur les sinistrés de l'Aquila en Italie, un film à sketchs réalisé par des jeunes des favelas à Rio : le monde actuel s'invitera par la bande, au Festival de Cannes.

http://www.lepoint.fr/culture/2010-04-15/festival-de-cannes-trois-films-francais-en-competition/249/0/444635